Afin de faire face aux évolutions et aux recompositions qui touchent actuellement le monde de l’exploitation cinématographique à travers le monde, le CNC émet un ensemble de recommandations pour éviter un décrochage français. Des propositions – à l’attention des professionnels et des pouvoirs publics – que l’on peut rassembler en 4 grandes catégories :
- le « lieu » cinéma
- la programmation et l’animation
- la conversion à de nouvelles pratiques
- la mutualisation des moyens et le regroupement
Le cinéma : un espace à faire évoluer
Le premier enjeu pour le CNC est de faire évoluer le « lieu » qu’est le cinéma, aussi bien dans l’espace public qu’en tant qu’espace de divertissement :
- encourager et simplifier l’installation de cinémas en centre-ville afin de profiter des avancées techniques (numérique) et des nouveaux modes de consommation des spectateurs urbains, moins promptes à se déplacer loin mais se rendant au cinéma plus fréquemment. Le principal frein étant encore le prix du foncier, et par extension la capacité d’accueil des salles.
- encourager des « identités architecturales fortes » pour les cinéma, afin de les différencier et de les faire exister dans l’espace (au-delà de leur fonction) , de les « débanaliser ». Aussi bien en extérieur (par le détournement d’anciens bâtiments ayant eu d’autres fonctions) qu’en intérieur (balcons, moulures, …).
- faire évoluer les cinéma vers des « lieux de vie sociale et culturelle » en intégrant des services culturels (librairie, …), familiaux (crèche, …) ou encore simplement conviviaux (bar, restaurant, …) afin de leur donner un « supplément d’âme » aux yeux des spectateurs.
- accélérer la conversion écologique des cinémas afin de réduire leur empreinte carbone ; tout en communiquant dessus. (Voir notre article à ce propos).
Le cinéma : aller au-delà de la projection de films
Le deuxième enjeu concerne la programmation et l’effervescence susciter par les choix éditoriaux auprès des spectateurs, et notamment des « jeunes ».
- ouvrir la programmation à tous les genres : opéra, concerts, théâtre, … comme c’est déjà le cas aujourd’hui mais également, des conférences ou des débats autour de sujets beaucoup plus large que le cinéma – autrement dit à tous les champs de la connaissance. Quant au « public jeune », il pourrait davantage être intéressé par des compétitions de e-gaming (de jeux-vidéos).
- créer des espaces dédiés (soit sur le web, soit physique) à des publics ou à des contenus spécifiques afin de prolonger l’expérience utilisateur : programmation complémentaire, tiers lieux pour échanger, …
Exploitant : un métier à réinventer
En plus de toutes ses missions traditionnelles – programmation, gestion, … – l’exploitant doit aujourd’hui chercher à convaincre les spectateurs de se rendre dans sa salle – pour lutter à la fois contre la concurrence des autres salles et des autres formes de divertissement.
- se tourner vers les nouveaux médias de communications liés au numérique afin d’un côté de mieux cibler les attentes et les besoins des spectateurs et de l’autre de toucher le(s) public(s) visé(s) à moindre coûts. Au-delà, créer une relation privilégiée avec un spectateur permet de s’assurer de sa fidélité tout en ouvrant de nouvelles perspectives de revenus complémentaires.
- mener un travail de veille des bonnes pratiques en France et à l’étranger afin de s’inspirer des meilleures idées en vue de les adapter pour le marché français. Il est entendu que ce travail ne doit pas forcément être fait au niveau de chaque salle mais à une échelle plus large, pourquoi pas nationale.
Faire corps pour faire face à la concentration
D’un côté, le marché mondial de l’exploitation cinématographique tend vers une concentration mondialisée, avec 5 ou 6 acteurs internationaux. De l’autre, les innovations technologiques d’une part (projecteur laser, siège « 4D », …), et les nouveaux besoins métiers (community manager, datascientists, …) ou techniques (plateformes de vidéo à la demande) vont nécessiter une capacité d’investissement importante ; éloignée de beaucoup de circuits de salles. D’où l’importance de mutualiser les énergies et les moyens, afin de créer des synergies dans un contexte peu favorable à l’exploitation française – voire européenne.
- renforcer la coopération entre exploitants et distributeurs (notamment sur la gestion des « données spectateurs ») afin de mieux cibler les messages publicitaires, prétendre à de meilleurs résultats dans la relation client ou encore tout simplement amélioré le taux d’occupation des sièges (qui n’est que de 15% en France).
- mutualiser les moyens, les services et les bonnes pratiques pour les salles les plus petites afin d’opérer plus rapidement les changements nécessaires en termes d’innovation technologique, de transformation de l’espace, de recrutement des compétences ou encore de captation des nouveaux publics.
- favoriser l’émergence de champions nationaux et européens afin de défendre une certaine vision du cinéma à l’échelle mondiale ; notamment face aux modes de consommation ou aux productions asiatiques et américaines. Les salles apparaissent comme l’interface privilégiée (40% des revenus des studios américains) entre le public et les œuvres et sont, in fine, responsables de leur programmation (et donc du choix de projeter ou non un film).
In fine, il s’agit surtout de poursuivre ce qui est déjà en cours : plus de technologie (et une meilleure utilisation de l’existante), créer des lieux de vie (et non plus de passage) et faire naître des géants capables de s’affirmer à l’échelle nationale et internationale. Mais là encore, les films sont presque oubliés et la programmation un medley de différentes activités. Or, c’est avant tout l’orientation que veut prendre le cinéma à travers sa programmation qui déterminera son mode de fonctionnement, son organisation physique et sa place dans l’écosystème. C’est parce que tels films ou évènements seront accessibles dans tel cinéma qu’un public y viendra et voudra sûrement faire sien du lieu (d’autant plus si son bilan carbone est bon !).