Dernier né de la marque Louvre en 2012, le Louvre Lens a été l’objet de nombreuses critiques. Que l’on soit d’accord ou pas avec ces dernières, cette antenne du Louvre Paris en pays minier (12,5 à 15 millions d’euros de budget annuel) est intéressante à de nombreux égards. Résumé en 5 points :
- Muséographie. Critiquée, elle est également défendue (et par la Cour des Comptes s’il vous plaît). D’une part son aspect chronologique (et géographique) fait que les œuvres d’une époque donnée résonnent entre-elles. La grande frise au mur permet de savoir où on en est très facilement, à mesure que l’on progresse dans le temps. Fini la séparation stricte par département. D’autre part, le choix des œuvres (renouvelées à 15% par an) fait que l’on évite le trop plein : tout est au même endroit, en quantité suffisante afin que l’on puisse apprécier sans être soulé – pas de salles successives et vides de spectateurs comme celles des vases grecs à Paris. Quant au manque de « clinquant » des œuvres, c’est vrai et peut poser problème pour attirer des visiteurs. D’où l’importance des expositions temporaires, considérées comme des succès tant d’un point scientifique que du grand public.
Enfin, la gratuité, qui sera très probablement remise en question à moyen terme, est un plus non négligeable. Si la fréquentation a été très forte la première année (1,4 million de visiteurs), elle est peu à peu revenue au niveau des prévisions, voire en dessous (500.000 en 2014, 400.000 en 2015). - Bâtiment. Extérieurement, sa forme fait penser à un hypermarché (très rectangulaire et de plein pied) mais composé avec de grands panneaux de verre qui proposent un jeu de miroir dans lequel le ciel se reflète. Côté jardin, l’aspect « sauvage » est intéressant mais le manque d’arbre et de possibilité d’appropriation est problématique. A l’intérieur : de grands espaces avec le confort moderne nécessaire : boutique, espace partenaire, cafétéria (visiblement pas au top niveau gestion), plusieurs salles d’exposition, … Gros plus, une bibliothèque spécialisées dans les beaux-arts (fait rarissime dans un musée !).
- Situation géographique. L’éloignement de la gare et du centre-ville est très relatif. Dans les faits, le musée n’est qu’à quelques centaines de mètres du stade Bollaert-Delelis, qui n’est lui-même qu’à quelques centaines de mètres du centre-ville. Et certes Lens n’est pas la plus jolie ville du monde (même de la région), mais une voie piétonne permet d’aller du musée au centre-ville en passant devant des décors « typiques » (oui « typiques »…). Accès facile en voiture ; en train … ça dépend du point de départ, mais une fois sur place il existe des navettes. Enfin, Lens est au cœur d’une région peuplée (4 millions d’habitants), proche de la Belgique (40 minutes) et de Paris (2h par autoroute).
- Appropriation. L’impression de « hors-sol » ne vient pas spécialement de son positionnement dans la ville mais plus probablement du manque d’appropriation par les locaux. D’un côté, le parc n’est pas un lieu de rencontre et de détente agréable (pas d’ombre, des bancs peu ergonomiques, …) et reste vide malgré les nombreuses habitations tout autour. Le seul restaurant (en plus de la cafétéria) est un restaurant gastronomique aux prix dissuasifs. De l’autre, le Louvre est avant tout une institution parisienne qui n’a pas d’ancrage local. Le nom résonne au global (et au régional) mais sonne creux localement. Physiquement, la ville est dominée par le stade (RC Lens) et le patrimoine industriel (minier notamment, classé Unesco) ; qui marquent les deux piliers de l’identité locale. Rien n’indique que le Louvre n’en deviendra pas un, avec les années (et le partenariat avec le RC Lens est intéressant en ce sens). Le partenariat (autour de l’espace « La Scène ») avec les autres institutions culturelles régionales autour de la marque « La région des musées » permettra d’apporter une certaine caution « locale » et inversement, une légitimité aux autres musées. Enfin, les entreprises semblent jouer leur rôle : en 2013 (année « exceptionnellement faste ») : 40% des recettes liées au mécénat (663.000 euros au total) étaient soit un effort net du mécène (15%), soit liées à des contreparties de la part du musée (25%). Autrement dit, 40% des dons ont été fait dans une optique de développement local (60% étaient des crédits d’impôts).
- Revitalisation. Démocratisation culturelle et développement local étaient les deux objectifs phares du projet. Certains y voient un échec (après 3 ou 4 ans, …), d’autres (comme la CdC) demandent une gestion plus rigoureuse (ce qui est nécessaire). Mais croire qu’un musée peut revitaliser un territoire est une erreur. Le soit disant effet Bilbao ou Guggenheim n’est pas « ouvrez un musée ; tout ira mieux », il montre qu’une stratégie territoriale cohérente et pensée peut être sublimée par une institution prestigieuse. Le Louvre Lens peut magnifier la région, changer son image, lui donnant un plus d’attractivité mais en aucun cas il ne peut être à l’origine d’un nouveau tissu de production de biens et de services. Tissu seul à même de revitaliser un territoire. Et le manque d’infrastructures hôtelières en est un bon reflet. A l’inverse, la délocalisation des réserves parisiennes sur site va permettre le développement local de métiers à très forte technicité. Donc là encore, rien n’est joué et le Louvre Lens n’est qu’un outil à disposition, parmi d’autres.
Enfin, une dernière information donnée par la Cour des Compte interpelle : 680.000 euros. C’est le coût de la consommation énergétique du musée en 2013, soit 7,2 millions de kWh ; l’équivalent de 1.350 foyers. Les contraintes de conservations (hygrométrie et température) ne l’expliquent qu’en partie et une meilleure optimisation de la ventilation pourrait faire économiser près de 50.000 euros ! (coûts qui avaient été … sous évalués lors de la construction ! Si si, malgré les grands panneaux de verre …). Quant à installer des panneaux solaires sur le toit …