Comme un buffet froid, le rapport du CNC sur « la salle de cinéma de demain » offre un grand choix d’analyses et d’idées sur le devenir de l’exploitation cinématographique. Et comme dans tout bon buffet, le lecteur est libre de sélectionner les exemples et les idées qui lui paraissent le plus sensés parmi la sélection rapportée des quatre coins du globe. Plus qu’un guide des « bonnes (futures) pratiques », ce rapport se projette sur ce que sera la salle de demain, soit très probablement une version augmentée de celle d’aujourd’hui.
Confrontée à un renouveau technologique ou des modes de consommation voire à une montée en puissance de l’Asie, l’exploitation cinématographique est actuellement marquée par 7 grandes tendances.
- Un fossé toujours plus grand entre cinémas urbains et multiplexes. S’il s’agit dans les deux cas de proposer de nouveaux services à un nombre plus restreints (mais venant plus souvent) de spectateurs, les exploitants privilégient deux stratégies différentes. Là où les cinémas urbains tendent à diversifier leurs activités (bar/restaurant, librairies, services en salle …) afin de devenir un « lieu de vie » unique, les multiplexes se tournent davantage vers le spectaculaire, notamment grâce aux nouvelles technologies de projection.
- Des innovations technologiques majeures (voire équivalente à l’arrivée du son et de la couleur ?). On peut ainsi citer quelques exemples en termes de projection (4K ou laser, écrans enveloppant, « projection par l’écran »), le son « immersif » ou encore en matière de fauteuils (inclinables, 4D ou a « effets environnementaux »). Ces innovations visent à différencier l’offre proposée aux spectateurs par rapport aux autres salles certes, mais surtout par rapport à ce qu’ils peuvent trouver chez eux. De plus en plus rapides, elles posent également la question de leurs financements (investissements, mutualisation, …) et surtout des retours sur investissements.
- Mettre l’accent sur l' »expérience-utilisateur ». Immersion plus poussée grâce à la technologie, recomposition du lieu pour une meilleure appropriation (architecture reconnaissable, restauration, boutiques, tiers lieu …), nouveaux services – souvent « haut de gamme » – (recliner seats, in-theater dining, place numérotée, …) proposés aux spectateurs, programmation repensée, … « expérience unique » et « différenciation » sont devenus les deux mots clés des exploitants pour attirer les spectateurs, qui ne vient plus seulement voir un film mais vivre une expérience – spectaculaire, sociale, …
- Une programmation diversifiée, pensée en fonction des publics. Avec d’un côté la multiplication des versions pour un même film (VF/VO, Imax, 3D, …) et de l’autre l’ouverture à de nouveaux supports ou programmes (séries TV, théâtre, opéra, conférences, ….) ; le tout en fonction des demandes des spectateurs. Par ailleurs, leur « après-séance » pourra être mieux encadrée : d’une part via des contenus alternatifs proposés en ligne ou sur place, de l’autre par un prolongement de l’offre cinématographique grâce à des services de vidéos à la demande ; jusqu’ici laissés aux mains des géants du web.
- Faire évoluer la relation client avec le numérique (smartphone & big data). A travers le mobile et le numérique, ce sont 4 objectifs qui sont définis : cibler/toucher plus précisément les publics, mieux connaître les goûts/besoins des spectateurs, faciliter le parcours utilisateur et enfin favoriser l’interaction. Concrètement, on pense à la billetterie (paiement via SMS ou réseaux sociaux, tarification dynamique, …), à une communication plus personnalisée (via la RAC -recommandation algorithmique contextuelle -), ou encore à la création d’espaces ou d’outils d’interactions en direct. De nouveaux outils qui nécessitent de nouvelles compétences (community manager, …) et donc les moyens de les attirer.
- Une recomposition de l’exploitation au niveau mondial :
- la montée en puissance de la Chine et de l’Asie. Avec ses 6,78 milliards de dollars de chiffre d’affaires (2015), ses 23.506 salles (contre 4.425 en 2005) et ses 1,26 milliards d’entrées (contre 470 millions en 2012) la Chine est désormais le 2e marché mondial. Le tout avec un potentiel de croissance presque intact, comme en atteste un indice de fréquentation à 0,9 entrée par an/habitant. Même si la tendance en 2016 était plus à un ralentissement de la fréquentation qu’à une hausse. Derrière le Royaume-Uni (3e), suivent le Japon, l’Inde et la Corée du Sud. Les conséquences ? Des films de plus en plus calibrés pour le marché asiatique, un public qui privilégie le divertissement de masse, …
- la concentration en quelques champions mondiaux. Encore très morcelé au niveau mondial, le secteur de l’exploitation est en pleine phase de consolidation et devrait être dominé par « deux ou trois chaînes asiatiques [Wanda (Chine), CJCGV (Corée du Sud)], une chaîne nord-américaine, une chaîne latino-américaine et une chaîne européenne ». Par leur taille, ces chaînes seront capables de tenir tête aux studios, d’investir suffisamment dans les salles et de se projeter dans le marketing digital et la vidéo à la demande. En conséquence, les plus petits circuits risquent de subir la pression de distributeurs mis à mal par ces géants et devront à la fois mutualiser leurs dépenses et chercher de nouveaux moyens de se différencier – notamment en France.
- la montée en puissance de la Chine et de l’Asie. Avec ses 6,78 milliards de dollars de chiffre d’affaires (2015), ses 23.506 salles (contre 4.425 en 2005) et ses 1,26 milliards d’entrées (contre 470 millions en 2012) la Chine est désormais le 2e marché mondial. Le tout avec un potentiel de croissance presque intact, comme en atteste un indice de fréquentation à 0,9 entrée par an/habitant. Même si la tendance en 2016 était plus à un ralentissement de la fréquentation qu’à une hausse. Derrière le Royaume-Uni (3e), suivent le Japon, l’Inde et la Corée du Sud. Les conséquences ? Des films de plus en plus calibrés pour le marché asiatique, un public qui privilégie le divertissement de masse, …
Très riche, cette étude se présente comme un état des lieux – agrémenté de nombreux exemples – de l’exploitation cinématographique mondiale aujourd’hui. Destinée aux professionnels français, elle donne également des pistes de réflexions et d’actions concrètes sur le(s) chemin(s) à prendre pour garder / faire revenir le spectateur en salle. Pour autant, et c’est tout de même regrettable, les auteurs ne questionnent jamais réellement l’avenir des films qui seront projetés – autrement que par le prisme technologique -, sur leur qualité artistique, leur diversité, … Parce qu’avant d’être un bar ou un concentré de technologie, le cinéma est avant tout un film projeté sur un écran dans une salle noir ; et donc c’est avant tout l’attrait du spectateur pour le film qui l’attirera dans les salles.