Comme finalement beaucoup de gens, nous avons tendance à employer les termes d’industries culturelles, du divertissement ou encore créatives comme s’il s’agissait de synonymes. Et il nous semblait donc logique de débuter par un premier sujet de définition, pour tenter d’en clarifier les contours. Nous avons donc pris nos pelles et nos pioches histoire de déblayer un peu le terrain.
Les industries culturelles, comme le terme l’indique, sont à l’embranchement des champs de la culture et de l’économie. C’est tout naturellement que les « cultural economics » (ou économie de la culture) se sont penchées sur le sujet à la fin des années 1970, après s’être longtemps cantonnées aux mondes de l’expression artistique (beaux-arts, spectacle vivant, …). Et on pourrait presque dire que c’est finalement la place qu’occupe l’art ou la création dans l’industrie considérée qui déterminera s’il s’agit d’une industrie créative, culturelle ou du divertissement.
D’une « culture de masse » à une filière industrielle
Mais pour bien comprendre, il est nécessaire retourner dans les années 1940 au moment où l’Ecole de Francfort et plus précisément le philosophe/sociologue allemand Theodor Adorno forgèrent ce concept. Dans leur esprit, ce terme vient remplacer la notion de « culture de masse » pour qualifier la diffusion massive de la culture à travers la radio, la presse, le cinéma ou encore la télévision. Il ne s’agit pas tant de dénoncer l' »industrialisation » des processus de création ou de diffusion que la « standardisation » des produits issus de ces industries. Une standardisation qui entraine une sorte de dévoiement de la création artistique de qualité ; qui la conduit inévitablement à sa perte et à son remplacement par un produit de « masse ».
De cette approche, qui critiquait une forme d’aliénation de la création et de l’individu au sein d’un système de massification uniformisant, il ne reste finalement plus grand chose dans l’acception actuelle d' »industries culturelles ». Elle a en tout cas perdu une grande partie de sa portée critique et dénonciatrice. Ce concept sert aujourd’hui à décrire les liens qu’il existe entre la création artistique ou le monde de la culture en général avec l’économie de marché. Par exemple en explicitant les processus de production, de commercialisation et de diffusion, en s’intéressant aux transformations et aux évolutions techniques ou encore aux modes d’organisation des secteurs culturels. Autrement dit, derrière le terme d' »industries culturelles », on retrouve avant tout une vision économique et un mot intelligible pour parler d’un ensemble de secteurs d’activités en lien avec la création artistique.
Ces secteurs d’activités sont parfois facilement identifiables, c’est par exemple le cas des arts visuels, du spectacle vivant ou encore du cinéma ou du patrimoine culturel. Parfois moins en vue comme la publicité ou l’artisanat d’art. Rapidement, le politique a eu à s’emparer de ces questions pour forger ses propres catégories, son propre cadre méthodologique ; et arriver, pour l’Europe, à 10 domaines culturels. Facilitant, au final, la mise en œuvre de politiques publiques ainsi que leur évaluation.
Industries culturelles : un tout loin d’être homogène
Mais si les industries culturelles semblent renvoyer à un tout – tous les secteurs d’activités de la culture -, dans les faits, elles englobent des structures et des modes d’organisation extrêmement divers et morcelés. Les différences entre les acteurs, les organisations et les finalités sont nombreuses, que ce soit entre les secteurs (cinéma et livre par exemple) ou au sein d’un secteur (majors et société indépendantes). Et ce, qu’il s’agisse des fonctions de production, de la taille, du statut juridique (public, privé) ou encore de la vocation (marchand, non-marchand) des acteurs… Quand au rapport à l’œuvre d’art d’une organisation culturelle, il peut varier du tout au tout. Ainsi, lorsqu’un acteur est dominé par une logique de marché comme les grands studios par exemple, la valeur économique risque de primer sur la valeur culturelle du produit (ici un film). A l’inverse une organisation publique ou un acteur privé de moindre envergure (une petite troupe de théâtre) accordera souvent davantage d’importance à la valeur culturelle ; les objectifs économiques étant bien souvent perçus comme un moyen. Malgré tout, l’idée de faire partie d’un champ culturel et artistique commun est bien présente (ne serait-ce que par la tutelle du ministère de la culture).
Pour conclure, il est important de rappeler que derrière le terme d’industries culturelles viennent se loger de nombreuses théories scientifiques, de nombreux modèles et de nombreux imaginaires. Ainsi, certains débats restent bien vivaces, comme l’opposition entre une culture de masse, plus populaire et industrialisée et une culture plus élitiste, qui serait plus proche de l’artisanat. Mais si elle résiste au temps, cette opposition est régulièrement battue en brèche des deux côtés, que ce soit récemment par l’essor de podcasteurs sur des plateformes vidéos (dont le travail s’apparente plus à de l’artisanat) ou par des artistes comme Damien Hirst, connu pour ses œuvres répliquées à foison. Et cette polysémie est intéressante et importante, car elle démontre que le secteur de la culture est en quelque sorte toujours vivant.
Pour nous, l’apport le plus important de ce mot industries culturelles est qu’il unifie des secteurs qui ont longtemps préféré compter leurs différences plutôt que leurs points communs, qui ont longtemps cherché à affirmer leur légitimité et leur supériorité sur les autres au lieu de voir ce qu’ils pouvaient s’apporter mutuellement. C’est en cela que ce terme est intéressant ; et non dans une acception qui voudrait que la culture sorte aujourd’hui des chaines de production d’une usine.
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