Pour conclure cette semaine dédiée aux industries culturelles, une réflexion en 2 parties pour s’interroger sur le financement public de la culture en France. Si l’on peut penser qu’il est indispensable à la pérennité des industries culturelles, les travaux des économistes de la culture (dont le travail de synthèse de Thomas Paris qui a inspiré cet article) invite à réfléchir sur les principes, les effets et l’avenir de cette participation publique. Et donc, in fine, sur de meilleures pratiques.
La première pierre d’un système durable est son financement. Et pour la culture, cela revient en partie à questionner l’intervention publique. Dans les grandes lignes, deux modèles s’opposent selon Françoise Benhamou : d’un côté le modèle anglo-saxon, peu interventionniste et de l’autre celui de l’Europe du Sud, plus interventionniste. C’est notamment le cas de la France, où le financement de la culture répond depuis la fin de la 2e Guerre Mondiale à trois grands objectifs selon Joëlle Farchy et Dominique Sagot-Duvauroux : défendre la culture française, favoriser la création originale et démocratiser l’accès à la culture.
Mais comme certain l’auront peut-être noté, ces arguments ne sont pas franchement économiques. Et c’est pourquoi les économistes se sont mis à trouver de nouvelles justifications à cet interventionnisme. Joëlle Farchy et Dominique Sagot-Duvauroux en recensaient 3 :
- Les arguments d’économie néo-classique qui rappellent qu’un bien culturel est un bien collectif (utilisable par deux personnes en même temps sans concurrence), qui répondra à la demande des générations futures (« rendement intergénérationnel ») et qui génère de nombreuses externalités positives.
- Un produit culturel est par définition un produit à risque puisqu’innovant. Pour combler ce risque, l’Etat doit jouer son rôle afin d’empêcher une standardisation de la création.
- Les arguments de politiques économiques qui expliquent que la culture est porteuse d’un dynamisme économique (emplois, attractivité, …).
Ces arguments visent pour partie à extraire les industries culturelles du fonctionnement normal de l’économie de marché ; à leur trouver des logiques différentes en quelque sorte afin de justifier leur financement. Malheureusement, cela ne correspond pas forcément à la réalité. En effet, l’industrie du cinéma ne s’arrêtera pas de fonctionner si elle n’est plus subventionnée ; elle se recomposera, se rétractera peut-être mais des films continueront à être produits en France.
C’est pourquoi Thomas Paris leur préfère une argumentation basée sur la notion de « diversité culturelle ». Selon lui, l’intervention publique ne sert pas à rendre viable un secteur industriel (qui ne le serait soit disant pas par essence) mais à corriger sa tendance naturelle à écraser la diversité de l’offre. Afin d’éviter de n’avoir que des films américains à l’affiche par exemple.
Et ce terme de « diversité culturelle » permet de jouer sur 3 niveaux :
- Capitalistique : éviter la trop forte concentration des moyens de production et du capital afin de favoriser des approches différentes au sein d’un même secteur.
- Géographique : éviter la concentration des moyens de production sur un seul territoire au détriment des autres, notamment sous l’effet d’une distorsion de concurrence (USA/Europe).
- Artistique : favoriser la création et l’expression originale en permettant à des projets de moindre envergure de se réaliser. Autrement dit, éviter la trop grande standardisation des produits.
En somme, s’intéresser à qui produit, où il produit et ce qu’il produit ! Et s’assurer qu’il n’y ait ni trop de concentration, ni trop de standardisation. C’est en tout cas ce que l’on peut souhaiter pour que les industries culturelles gardent leur force d’innovation et de création. Mais au-delà des voeux pieux, le financement public de la culture peut-être à l’origine de certains effets pervers, allant à l’encontre des ambitions premières ; alors que la question de « qui décide ? » reste toujours en suspens.
Enfin, on remarquera que le financement n’est pas le seul outil à la disposition des pouvoirs publics pour intervenir dans les industries culturelles. Comme le note T. Paris, 4 grands rôles leurs sont dévolus :
- Opérateur direct (via France TV ou Radio France par exemple)
- Financeur (via le CNC pour le cinéma)
- Régulateur (avec la loi sur les quotas de diffusion ou encore l’obligation d’agrément du CNC pour un film)
- Labellisateur (reconnaissance d’un droit d’usage pour les fréquences par exemple ou d’une mission particulière, comme le label « Art & Essai » en échange du respect d’un cahier des charges précis).
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